Escrime - Obry : "Pourquoi j’ai décidé d’arrêter après les JO 2016"
De Moscou où s’achèvent ce week-end les Mondiaux d’escrime, Hugues Obry a annoncé qu’il quitterait son poste d’entraîneur de l’équipe de France d’épée dans un an après les Jeux Olympiques de Rio. Il s’en explique au micro de RMC Sport.
Hugues Obry |
Interview de Hugues Obry
Sa décision était prise bien avant la déception vécue lors de la défaite en quart de finale de l’équipe de France masculine d’épée contre l’Italie. Hugues Obry, l’entraîneur des épéistes qui ont réalisé une grande saison (titres individuels et par équipes aux championnats d’Europe, six victoires individuelles en Grand Chelem ou en Grand Prix) a décidé de quitter son poste après les Jeux Olympiques de Rio en 2016, un poste qu’il occupe depuis 2012 après avoir été pendant quatre ans entraîneur adjoint. Hugues Obry exprime un mal être vis-à-vis de certaines personnes à la Fédération Française d’escrime, et d’un certain manque de moyens.
Hugues Obry, pourquoi cette décision ?
Ce n’est pas vraiment un ras-le-bol, moi j’ai besoin d’être bien pour travailler, besoin de me sentir encadré, entouré, de sentir que les gens ont confiance en moi. Aujourd’hui, ce n’est plus possible de se battre au quotidien pour faire valoir ses envies et ses choix et on n’a pas de temps à perdre avec ça. Plus je réussissais, plus j’avais l’impression qu’on me mettait des bâtons dans les roues. Travailler comme ça, moi ça ne me plaît plus, et je ne prends plus de plaisir à ça. Les athlètes sont au courant. Ils le savent parce qu’ils le voient au quotidien. Les résultats sont magnifiques, pour beaucoup de gens, je devrais être l’entraîneur le plus heureux du monde… eh bien non, ce n’est pas le cas. Quand tu rentres des championnats d’Europe avec deux médailles d’or (NDLR : Grumier en individuel et le titre par équipes), tu te dis que tu vas fêter, et quand tu t’aperçois qu’on t’a mis des bâtons dans les roues, tu n’es pas heureux. Je le connaissais le système, mais je ne pensais pas qu’un entraîneur avec des convictions et des résultats pouvaient poser autant de problèmes.
Ça veut dire quoi des bâtons dans les roues ?
Que s’est-il passé après les championnats d’Europe ? Une préparatrice physique vient d’elle-même pour nous apporter le fruit de son travail qu’elle fait avec nous au quotidien à l’INSEP. Aujourd’hui, on n’a pas les moyens de l’emmener avec nous sur les grosses compétitions. Elle fait l’effort de venir avec nous aux championnats d’Europe, et on me reproche de ne pas l’avoir signalé, de ne pas avoir demandé l’autorisation. On ne m’a jamais demandé si ce qu’elle nous apporte nous fait du bien. Et donc derrière, la sanction, j’ai demandé à ce qu’elle vienne avec nous à Moscou, et on m’a dit : « Non puisque tu ne l’as pas fait correctement pour les « Europe », elle ne viendra pas à Moscou. » Peut-être qu’elle a manqué ici. On a fait sans, et on s’est planté… Il y a ça et puis quand tu entends qu’un élu de la Fédération (NDLR : Philippe Boisse, vice-président de la FFE en charge du haut-niveau) veut ta tête, je me dis que je ne suis pas là pour qu’on ait ma tête. J’ai une famille, des enfants… J’ai beaucoup de respect pour l’escrime et pour la France, mais ça non. J’ai beaucoup de respect pour cet ancien athlète, mais en tant que personne, je ne le respecte plus. Je trouve que c’est un mauvais fruit. Je préfère me retirer plutôt que d’être dans un environnement qui n’est pas sain.
Payez-vous votre côté « grande gueule » ?
Oui. Mon côté « grande gueule » ne plaît pas à tout le monde, mais si je n’étais pas comme ça, je n’en serais pas là aujourd’hui, je n’aurais pas fait la carrière d’athlète que j’ai faite, ni la carrière d’entraîneur que j’ai même si elle toute petite. L’escrime, ça m’a tout apporté dans ma vie. Je suis un homme grâce à ce que m’ont inculqué certains entraîneurs. Je comprends mieux le positionnement et le départ à l’étranger de certains grands entraîneurs français, Christian Bauer, Daniel Levavasseur. Je suis loin d’être à leur niveau, mais quand on commence à faire des choses, on dérange. J’ai encore plus de respect pour Michel Sicard (ancien DTN), qui a lui a réussi, qui est resté. Mais à un moment donné, ça a été plus fort que lui, il est parti.
Qu’est-ce que ça représente d’annoncer ce départ ?
C’est dur parce que tu quittes une famille. On a monté un staff d’entraîneurs qui est vraiment au top. Ça va me faire quelque chose de quitter mes athlètes, parce que c’est quelque chose que j’ai façonné. Ça va être dur de se dire que ça va se finir mais c’est mon choix. En tout cas, moi, je sais ce que je veux, c’est deux médailles d’or à Rio avec la France.
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